Il y a 30 ans naissait la Fondation Nature & Découvertes. Avec elle le désir de préserver, faire connaître les beautés de la nature et d’éveiller les consciences. David Sève, à sa tête depuis 1998, revient sur ces trois premières décennies qui ont initié le mouvement des commerces vraiment engagés.
La première boutique Nature & Découvertes a ouvert ses portes en 1990. Quatre ans plus tard, la fondation est née. Allier commerce et philanthropie était dès le départ dans l’esprit des fondateurs François et Françoise Lemarchand ?
Oui c’était même écrit noir sur blanc dans les textes fondateurs de l’entreprise. En France, les Lemarchand ont été les premiers commerçants philanthropes à faire de la cause écologique la base de leurs activités. Aussi, en 1993 quand Nature & Découvertes pour ses 3 ans, réalise ses premiers bénéfices, François Lemarchand hésite entre reverser 10% des bénéfices de l’entreprise à des actions de protection de la nature ou 1% du chiffre d’affaires. Il choisit la première solution et crée la Fondation qui sera ensuite également alimentée par les adhésions au Club Nature & Découvertes (1 euro est reversé à la Fondation pour chaque carte Club). À l'époque, la Fondation a vraiment ouvert la voie sur ces sujets.
Lorsque l’on est une fondation qui reverse 10% de ses bénéfices à des associations et que l’activité va bon train, ça fait une belle somme d’argent et sans doute pas mal de demandes chaque année. Comment avez-vous fait pour sélectionner les projets à financer ?
Dès les débuts de la Fondation, on a souhaité faire les choses sérieusement pour que nos subventions aient un vrai impact sur la protection de la nature et puissent sensibiliser un maximum de monde à l’environnement. Lorsque je suis arrivé en 1996, il y avait déjà un comité d’experts d’une quinzaine de personnes (parmi lesquelles des personnalités du Muséum national d’histoire naturelle, des chargés de mission du ministère de l’Écologie, des responsables de grandes associations) qui examinait les dossiers. Au début, on étudiait les projets un par un. En 1998, on a changé de logique, avec l’arrivée de nouveaux spécialistes dans le comité comme François Letourneux et Sébastien Moncorps, respectivement Président et Directeur du Comité français de l'UICN (Union internationale de conservation de la nature) et une équipe plus étoffée. L’idée était davantage de définir les grandes priorités écologiques soulevées par les associations et d’aller chercher les initiatives à soutenir en ce sens grâce à des appels à projets plus spécifiques. Grâce à toutes ces personnalités, chaque année, nous avons gagné un peu plus en expertise et en légitimité.
Quels ont été les grands soutiens de la fondation ?
En 30 ans, on a soutenu 3000 projets et versé 15 millions d’euros. On a notamment accompagné la réintroduction d’un certain nombre d’espèces comme le vautour fauve dans les Cévennes, les Pyrénées, les Baronnies, la Drôme, le Verdon… Il est devenu le vautour le plus commun aujourd’hui. On l’a fait aussi pour le vautour moine, le percnoptère et l’aigle de Bonelli, le grand rapace le plus rare de France. À l’époque, il ne restait qu’une vingtaine de couples, on a financé sa reproduction en captivité. On s’est également beaucoup investi dans l’éducation à l’environnement, la protection des zones humides, la disparition des insectes, la perte de la biodiversité en Outre-mer. En 2005, on est devenu la première fondation d’entreprise en France membre de l’UICN , à ce titre on a beaucoup participé au financement des listes rouges émergentes dans les territoires, ces états des lieux des espèces en danger.
Est-ce qu’il y a un projet qui t’a particulièrement marqué ?
Il y en a plein… Mais celui qui m’a le plus marqué c’est un projet d’action d’urgence. Nous sommes en 1999, le navire pétrolier Erika se fracasse au large des côtes bretonnes, c’est une véritable marée noire. À la fondation, on n’a plus de budget, on est en fin d’année. On décide de mobiliser tous nos salariés et notamment ceux de l’entrepôt pour aider la LPO. Certains vont bosser dans les centres de soin, d’autres remplissent des camions pour faire face à la marée noire. On trouve quelques subsides pour financer des machines pour nettoyer les oiseaux, construire des volières… C’était un magnifique élan du cœur qui a donné une véritable crédibilité à notre engagement.
Depuis 10 ans, les salariés de Nature & Découvertes sont davantage investis dans la Fondation, de quelle manière ?
Aujourd’hui, on a deux façons de soutenir des actions de protection de la biodiversité et de pédagogie active au contact de la nature. Nous avons les Comités majeurs qui soutiennent des projets phares et expérimentaux, co-construits avec les associations, soit une dizaine de projets chaque année (de 10 000 à 15 000 euros). Et puis il y a les Comités coup de main qui soutiennent des initiatives de protection, de sensibilisation et d’éducation à la nature en ciblant des projets de terrain à dimension locale, avec une forte part de bénévolat, pour réaliser des actions concrètes. Ces derniers sont composés d’un jury tournant de 20 salariés passionnés de nature issu des équipes de Nature & Découvertes et accompagnés d’experts pour voter le financement des projets compris entre 1000 € et 3 000 €.
Depuis 10 ans, vous proposez l’arrondi en caisse pour soutenir des associations chaque année, ça marche bien cette solidarité de panier ?
Ça marche très bien ! Les quelques centimes laissés à la caisse finissent par donner beaucoup d’argent. Lorsqu’une association bénéficie de l’arrondi, ce n’est pas par hasard ! C’est parce qu’elle a déjà été soutenue financièrement par notre Fondation et que son action est depuis longtemps plébiscitée par nos équipes et les experts de la Fondation. Sur une année, nous proposons l’arrondi pour près de 70 associations. Depuis 2014, ce sont près de 10,7 millions de dons qui ont été effectués dans nos magasins et plus de 1,6 million d’euros collectés au profit de plus de 447 associations différentes. Cette année, l’arrondi en caisse sera fléché sur Terre de liens, une association qui préserve les terres agricoles et accompagne l’installation d’une nouvelle génération de producteurs biologiques.
3000 projets financés pour 15 millions d’euros, 100 projets coups de main par an, 50% de projets soutenus en faveur de la biodiversité, 50% côté éducation à la nature… Le bilan de la Fondation est impressionnant, est-ce que vous continuez sur cette lancée pour les 30 prochaines années ?
Aujourd’hui, on innove, on se regroupe à plusieurs pour avoir plus d’impact sur un secteur en particulier. Avec la Fondation Terra Symbiosis, la Fondation de France et la Fondation Léa Nature par exemple, on a lancé il y a trois ans un appel à projets commun autour de l’École du dehors pour développer des activités pédagogiques au contact de la nature. On demande aux associations de terrain de travailler ensemble, de développer des synergies, de produire du bien commun. Les projets que l’on soutient sont particulièrement innovants et font réellement progresser le secteur éducatif. Désormais, nous sommes 8 mécènes à soutenir cet appel. Des regroupements de ce genre, on en a d’autres dans les tuyaux. La Fondation s'est récemment engagée avec d'autres mécènes pour la sauvegarde des haies champêtres grâce à la création du Fonds pour l'arbre. C’est dans cette dynamique collective que l’on s’inscrit désormais.
Il y a 35 ans, les fondateurs voulaient créer un business humaniste, engagé autour d’une envie – reconnecter les citadins à la nature -, et d’un engagement : la protection de la biodiversité. Mission accomplie ?
Le travail de la Fondation a permis de défricher dans un premier temps toute cette envie et cet engagement puis de le professionnaliser et de le consolider. Aujourd’hui, toutes les utopies initiales sont inscrites dans les statuts de l’entreprise qui est désormais société à mission. C’est peut-être pour nous la plus belle récompense : voir gravée dans le marbre et dans les statuts de l’entreprise une raison d’être qui dit : “choisir des solutions concrètes pour accompagner au quotidien la transition vers des modes de vie durables et engagés pour la biodiversité”.
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