Voilà 36 ans que Mountain Wilderness soigne nos montagnes et éduque celles et ceux qui les pratiquent pour qu’on puisse monter au sommet sans déclencher une avalanche de mauvaises nouvelles. Rencontre.
Dans « Mountain Wilderness » (MW), il y a « Mountain », ce qui nous donne un indice relativement évident sur le domaine d’action de l’association. D’après son site internet, elle est « une association nationale de protection de la montagne, œuvrant pour la cohabitation entre la montagne sauvage et la montagne à vivre ». Vous n’avez pas tout compris ? Alors illustrons ça avec un exemple qui devrait plus facilement vous parler : la pratique du ski.
Quand on vous dit « Montagne ?», vous répondez « Skiiiiii ! » (ou « Snoooooow ! » pour les plus cools-riders d’entre nous). Vous n’êtes pas à blâmer : c’est par la promotion de l’industrie du ski et des sports d’hiver que le gouvernement français lance le Plan Neige dans les années 60, pour désenclaver la montagne et la rendre plus touristique. Depuis, dans l’imaginaire du grand public, la montagne, ce sont des remontées mécaniques, des forfaits hors de prix, et des tartiflettes dans un chalet entre amis.
MW ne s’oppose pas strictement à la pratique du ski de piste, mais elle travaille à montrer l’envers du décor et, surtout, que la montagne ne se résume pas qu’à ça.
« Avant de quitter le lieu, assurez-vous de ne pas avoir oublié un télésiège en pleine nature »
Avec le réchauffement climatique, de plus en plus de stations de moyenne montagne cessent de fonctionner. Les coûts de démontage étant relativement élevés et non provisionnés par les aménageurs, ces infrastructures se retrouvent souvent abandonnées en pleine nature. Et c’est ici que deux des trois grands volets de l’association prennent tout leur sens !
Jusqu’en 2016, il n’existait aucune obligation de démontage par les stations de ski, en cas de fermeture. Or, grâce à son agrément national de « Protection de l’Environnement », l’association, créée en 1988, a droit de siéger au sein de différentes instances dans lesquelles se jouent des décisions de projets d’aménagement en montagne. Forte de cette voix, en 2016, elle obtient l’inscription d’une obligation de démontage des nouveaux ouvrages de l’industrie du ski dans la Loi Montagne. Ce genre d’action en justice, à coup de plaidoyers contre des projets d’aménagements irresponsables, est un des grands modes d’action de l’asso.
En revanche, l’inscription de cette obligation de démontage n’est pas rétroactive. Alors que l’essor des stations est derrière nous, une question reste en suspens : que va-t-il se passer pour toutes les structures de moyenne montagne, construites avant 2016, qui vont être abandonnées dans les années à venir ?
De l’huile de coude et du cœur à l’ouvrage
Depuis plus de vingt ans, l’association organise 4 à 5 gros chantiers « Installations obsolètes » tous les ans, pour démonter et nettoyer les aménagements abandonnés en montagne. Ça peut être des infrastructures de stations de ski, mais aussi d’anciens ouvrages militaires, agricoles ou industriels. Dans tous les cas, ce sont des friches qui dénaturent les paysages et qui peuvent être dangereuses, autant pour la faune que pour les randonneurs. À titre d’exemple, en 2023, l’asso a organisé l’enlèvement de barbelés dans différentes montagnes, d’un téléski dans le Haut-Jura ou encore d'une épave d'avion dans le massif du Canigó. Depuis 2001, ce sont 77 chantiers qui ont été organisés !
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Pour participer à ces chantiers, il suffit de signaler son intérêt à l’adresse io@mountainwilderness.fr. Le programme d’action des chantiers sera diffusé prochainement pour la saison de juin à septembre. C’est tout. Le bénévolat est ouvert à toutes et tous, mais la force de l’association repose sur ces membres adhérents. Trois tarifs non soumis à justificatifs et déductibles de vos impôts sont proposés, à la hauteur de vos moyens et possibilités. Aujourd’hui, Mountain Wilderness compte 1600 membres et 420 bénévoles.
Pour déplacer des montagnes, il faut être plus nombreux encore. MW n’a pas pour objectif d’organiser le démontage de toutes les friches qui existent. Par ses actions, elle veut aussi encourager les collectivités locales à faire de même. Pour que les élus aient connaissance des aménagements abandonnés dans leur territoire et organisent les démontages nécessaires, des bénévoles recensent et géolocalisent de nombreuses friches, directement sur le site internet installationsobsoletes.org ! Plus d’excuses, retroussons-nous les manches.
© Alpine Line
À ski paraît, la montagne, c’est bien plus que du ski
On ne voudrait pas remuer le bâton dans le verglas, mais... Les stations de ski, ce n’est que 2,3 % du territoire montagnard ! Cécile Delaittre, Responsable de la communication et de la collecte dans l’asso, explique « On entend souvent dire que sans ski, c’est toute l’économie des montagnes qui s’effondre », elle poursuit « Sans renier que le Plan Neige a participé à faire vivre la montagne, on estime qu’aujourd’hui, on est arrivé au bout de ce système. ». L’objectif de l’association, c’est désormais de relayer de nouvelles idées, encourager de nouveaux imaginaires aux côtés des habitants et acteurs des territoires de montagne, pour se détacher de l’idée selon laquelle « sans ski, il n’y a plus rien ».
Dans cette optique, MW a lancé la campagne « Montagne en transition », qui s’inscrit dans son volet d’amplification de la transition des territoires. L’objectif est simple : mettre en contact différents acteurs de l’économie de montagne, pour ouvrir le champ des possibles par la discussion et la réflexion en intelligence collective, avec l’ensemble des parties prenantes, tout en accompagnant les porteurs de projets. En 2023, c’est le Vercors qui a fait office de territoire pilote. Avec les collectifs locaux constitués sur le plateau, l’asso a récemment organisé un après-midi de réflexion qui a réuni 150 personnes.
Cette approche rejoint la dimension philosophique fondatrice de l’asso : le rapport à la : « Wilderness », ces grands espaces naturels encore préservés dont les montagnes font partie, ces environnements d’altitude, ces ailleurs, dans lesquels on peut librement ressentir la solitude, les silences, les ciels étoilés, les lois naturelles et les dangers. dangers. » (Extrait des Thèses de Biella, fondatrices du mouvement Mountain Wilderness à travers le monde).
En faisant évoluer les imaginaires et les projections, l’asso espère influencer les rapports de l’humain aux espaces de montagnes, pour parvenir au parfait équilibre entre Montagne à Vivre et Montagne Sauvage. En attendant, ils continueront à en faire toute une montagne dès lors qu’elles ne seront pas respectées.
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On y croit !
On n’a pas tous les jours 30 ans ! Pour célébrer son anniversaire, la Fondation Nature & Découvertes déploie un dispositif inédit avec makesense. Objectif ? Faire rayonner des associations qui font bouger les lignes en profondeur sur le terrain de la biodiversité. Et donner envie de s’engager. Mountain Wilderness, Pro Silva, Terre de Liens : elles sont les grandes gagnantes d’un vote des collaborateurs.rices de Nature & Découvertes. Elles s’attaquent à des causes cruciales : l’avenir de nos montagnes, de notre agriculture et de nos forêts.