Pour mieux orienter ses actions, makesense a défini il y a quelques mois sa boussole. Cinq axes à prendre en compte pour permettre à chacun et chacune de tenir le cap d’une société désirable, durable et inclusive. Parmi ces 5 points cardinaux : faire ensemble, coopérer pour mieux vivre en société.
Il fait chaud, c’est l’été, une émission de radio retient mon attention. Fabien Galthié, entraîneur de l’équipe de France de rugby au micro de France Inter, parle de la construction de l’équipe. Il évoque l’importance de la complémentarité des joueurs, son choix de surtout partir des forces de chacun des joueurs plutôt que de leurs faiblesses, des valeurs communes de l’équipe, du cadre, etc. Il décrit en ses termes et son domaine la force du collectif.
Le collectif, voilà une dimension qui nous tient à cœur depuis les premiers jours, constitutive de notre existence. Zoom sur 5 raisons qui font que le collectif est une valeur cardinale pour nous comme pour la société.
S’entourer pour sortir du syndrome du canapé
Pourquoi est-ce en groupe qu’on fait ses premières expériences pour le meilleur ou pour le pire ? Pourquoi ose-t-on plus quand on est plein ? Parce que le collectif a le pouvoir de désinhiber, de donner de la force, de pousser à l’audace. Tenez, il y a quelques semaines, une vidéo Instagram m’a vigoureusement sortie de ma torpeur. “Cliquer et mettre des likes ne suffit plus, il faut se retrouver dans la vraie vie et agir,” écrivait en commentaire l’activiste Thomas Brail, en grève de la soif pour lutter contre l’A69. Si j’avais été seule dans ma chambre, j’y serais restée. Mais j’étais au bureau et grâce à ma collègue à côté de moi, à nos discussions, nous nous sommes motivées pour y aller. Deux heures plus tard, nous étions sur le pont Léopold Senghor pour soutenir les militants. Toute seule, je n’aurais sans doute pas osé. C’est l’échange que nous avons eu qui a eu un effet de résonance positive et nous a mises en action.
En effet, c’est vieux comme le monde : seul, le sommet nous semble plus loin, moins accessible. On est facilement découragé, démotivé tandis qu’à deux, à trois, à mille ça change tout : on parle, on s'entraîne, on se motive, on se soutient. Dans un groupe, il y a un effet de mimétisme très fort qui nous aide à passer à l’action. C’est d’ailleurs un réel enjeu pour permettre à chacun et chacune de s’engager et d’agir : il est essentiel de s’entourer !
“Une des raisons qui fait que l’on a du mal à changer nos habitudes, c’est qu’en général on a constitué un cercle de relations qui est en phase avec les habitudes que l’on avait, explique Jean Marc Jancovici dans une vidéo partagée sur sa chaîne Youtube en novembre 2020. Et donc cela rend compliqué de changer ses habitudes car on abandonne une communauté, mais on en n’en pas encore trouvé une autre. Or s'intégrer dans une communauté est quelque chose qui est important pour l’espèce humaine”.
À l’ère où les réseaux sociaux ont pris une place immense dans nos vies, conscientisons l’importance de sortir de notre canapé, de compléter nos likes et autres partages en ligne avec des actions dans la vraie vie, et d’agir en s’entourant !
S’organiser collectivement pour faire bouger les verrous de la société
Pour transformer profondément notre modèle de société, il convient de construire des alternatives, mais aussi d'arrêter les activités qui ne sont plus soutenables. Parmi les principales recommandations du GIEC : la sortie des énergies fossiles. C’est assez clair mais les industries pétrolières font la sourde oreille contrairement aux citoyennes et citoyens, de plus en plus nombreux à être préoccupés par l’urgence climatique. Ça bloque, c’est ce qu’on appelle un verrou.
Ensemble et bien organisés, on peut le faire sauter. Sur l’exemple de l’industrie pétrolière, la campagne Stop EACOP et la mobilisation de milliers de citoyens pour interpeller leurs élus, écrire aux banques et assurances partenaires du projet, aura permis de faire reculer le projet porté par TOTAL Energies. Les dés ne sont pas encore jetés mais le rapport de force commence à s’installer.
L’action collective peut s’organiser dans différents contextes. On peut agir collectivement avec ses collègues pour faire bouger les lignes de son entreprise, agir dans son quartier avec ses voisins face à un projet qui ne servirait pas l’intérêt général, ou encore agir collectivement pour les droits de l’homme.
Parmi les victoires qui ont marqué l’histoire et qui sont le fruit de l’action collective, on pense notamment à l’accès au droit de vote après la mobilisation des suffragettes, à la condamnation de l’État pour inaction climatique suite à l’immense mobilisation autour de l’Affaire du Siècle, aux projets arrêtés grâce aux combats citoyens : le Larzac, Plogoff, Notre-Dame-des-Landes, les mégabassines…
Être plus intelligents à plusieurs
“Aucun de nous ne sait ce que nous savons tous, ensemble”, écrivait Euripide au moins 25 siècles avant que l’on ne parle du concept d’intelligence collective. C’est ce que nous croyons et défendons depuis notre création. En effet, makesense est né en 2011 avec l’organisation d'ateliers d’intelligence collective pour aider des entrepreneurs sociaux à résoudre leurs défis. Ces ateliers “hold-ups” rassemblaient des volontaires qui partagaient leurs idées, grâce à une méthodologie permettant de faciliter l’intelligence collective.
Aujourd’hui, l’intelligence collective est toujours notre ADN. Violette Siméon, formatrice à la facilitation explique : “l’intelligence collective, ce n’est pas la somme de l’intelligence des individus (1+1+1=3) mais l’interaction de ces intelligences entre elles, qui augmente le potentiel du groupe. C’est ce qui permet de faire émerger des idées nouvelles et pertinentes.” Le facilitateur Jean-Philippe Poupard ajoute : "Plus que jamais, il est utile d’emmener partout la facilitation de processus d’intelligence collective afin de créer de l’inclusion, du lien et du sens commun dans toutes les sphères de la société."
Dans la vraie vie ça donne quoi ? Un des processus d’intelligence collective notable a été celui de la Convention Citoyenne pour le Climat. En 2019, 150 hommes et femmes tirés au sort parmi la population française avaient pour mission de définir une série de mesures structurantes “pour parvenir à diminuer d'ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre de la France d'au moins 40 % par rapport à 1990”. Boulangers, avocats, enseignants, chefs d’entreprises, certains s’intéressaient au climat, d’autres pas du tout. Aucun d’entre eux n’était expert du sujet. Mais le processus leur a permis de saisir les enjeux, de se former, d'avoir accès à des experts pour poser des questions, pour enfin être capables de rédiger des propositions cohérentes et précises.
Même si Emmanuel Macron n’a pas mis en œuvre ces recommandations (après avoir pourtant déclaré “je m’engage à reprendre sans filtre les propositions”), bon nombre des membres de la Convention Citoyenne pour le Climat ont réorienté leur parcours professionnel en fonction de leur nouvelle compréhension de l’urgence climatique.
Car c’est là l’une des autres forces de l’intelligence collective : augmenter l’implication. Quand on soumet une idée, on se sent impliqué dans la construction d’un projet, et on a beaucoup plus envie de la mettre en œuvre.
Apprendre dans l’altérité
Si le groupe peut être un moteur puissant d’action, il peut aussi être un espace de souffrance. Il suffit de puiser dans ses souvenirs pour se rappeler de moments où l’on s’est senti exclu, où une personne a dit quelque chose qui nous a blessé, ou encore où l’on a pu être frustré de devoir tout faire dans un groupe.
Que se serait-il passé si nous avions été en capacité, dans ces moments-là, d’exprimer notre ressenti et de partager cela sous forme de feedbacks constructifs ? Pour être capable de faire cela, nous avons un muscle collectif à renforcer : notre capacité à partager des feedbacks, pour vivre de façon plus apaisée les désaccords qui, pourtant, créent la richesse.
Cette capacité à savoir dialoguer, à se confronter à d’autres façons de faire ou de penser, est un ingrédient clé pour notre société, pour continuer à faire société. Nous avons besoin de points de vue différents pour saisir et se saisir de la complexité du monde. Nous devons réussir à nous mettre dans la peau de l’autre, être empathique, nous nourrir des différences plutôt que vouloir les gommer.
Pourtant, plus que jamais, et sur bon nombre de sujets de société, tout nous pousse à choisir un camp, à partager son avis haut et fort (en ligne surtout) , quitte à invisibiliser des personnes qui penseraient différemment. Là encore, les réseaux sociaux et les algorithmes ont une grande part de responsabilité mais l’endogamie de pensée n’est pas une fatalité.
Si ce sujet de la difficulté à se parler vous parle, jetez une oreille au podcast Grand Écart (le podcast qui donne envie de parler des sujets qui fâchent).
Réapprendre à décider en collectif
Imaginons pour finir que nous fassions face à une situation inédite : la rivière du coin vient d'être déclarée non-baignable par la Préfecture. Les produits rejetés dans la rivière sont trop toxiques et mettent en danger la santé des baigneurs. Comment faire pour sauver ce bien commun précieux pour les habitantes et habitants de la région ?
Face à cette annonce, démarre alors un effort de mobilisation dont la dynamique est toujours d'actualité : citoyens, entreprises, institutions et associations font front commun pour lancer des projets de coopération et sauver la dernière rivière sauvage de France. Cette histoire est celle de Biovallée, dans la Drôme, qui a démarré dans les années 80 !
Les démarches de coopération impliquent de repenser le fonctionnement du groupe : Quelles sont les règles qui permettent de bien le faire fonctionner ? Qui décide qui peut utiliser des ressources naturelles ? Comment sont réparties les responsabilités ? Comment maintenir ce bien commun ?
Les enjeux du collectif sont les mêmes que ceux d’une société démocratique et les réponses entre sociocratie, holacratie, organisation Opale sont plurielles … “La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité,” écrivait Albert Camus. On se quitte sur cette idée ?
Faire ensemble, pour mieux vivre en société - résumé express
- Le collectif favorise le passage à l’action
- L’intelligence collective est le meilleur moyen pour faire émerger des solutions aux problèmes locaux
- Dans un collectif sain, l’individu s'épanouit, apprend, gagne des compétences, prend confiance en soi
- Le collectif est une opportunité de revoir notre rapport à la répartition du pouvoir et de tester de nouveaux modèles de gouvernance
- Notre capacité à exprimer nos ressentis, à faire des feedbacks constructifs, entretient nos liens et notre capacité à faire société