Inclusion et ruralité : les ingrédients de la coopération

Inclusion et ruralité : les ingrédients de la coopération

En Nouvelle Aquitaine, les acteurs de l’inclusion se sont retrouvés pour définir les ingrédients de leur coopération : la recette est en cours.
23 May 2023
par Hélène Binet
4 minutes de lecture

Ils partagent le même territoire, les mêmes valeurs et les mêmes idées : faire de l’inclusion le ferment d’une société plus juste et harmonieuse. En Nouvelle Aquitaine, les acteurs de l’inclusion se sont retrouvés au printemps pour définir les ingrédients de leur coopération, élément-clé pour monter et pérenniser les projets d’inclusion en ruralité. La recette est en cours.

Les premières semaines du confinement, les messages n’ont pas arrêté de fuser : “Où avez-vous trouvé des élastiques ? Vous prenez quoi comme patrons ?” Devant l’urgence de la situation, les tiers-lieux et fablabs de la région Aquitaine transformés en centres de confection de masques et autres outils de première nécessité sont devenus presque aussi proches que Saint-Bruno et Saint-Victor à Bordeaux. “Dans le cadre de la crise covid, la coopération s’est faite toute seule autour du home-made parce qu’il y avait urgence à maintenir les aspects du quotidien, explique Melissa Gentile responsable du centre de ressources de la coopérative Tiers-Lieux. 

“On a commencé par des échanges sur nos pratiques, on était dans le très concret. Il fallait aller vite et s’appuyer sur des structures-amies, de confiance.” Pour Mélissa, l’ingrédient numéro 1 de la coopération se situe incontestablement du côté de la confiance qui facilite tout. “À cette occasion, on a aussi compris que les mots collaborer et coopérer n’étaient pas synonymes, précise la responsable. Coopérer c’est faire œuvre commune, c’est avoir une grosse empathie, on a appris de notre expérience.” “Dans la coopération, il n’y a pas de mariage forcé, il faut garder la porte ouverte et faire entrer les nouveaux,” ajoute Guillaume Gueguen, chargé de mission développement économique à l’INAE.

Pour les besoins de la cause

Pour Julie Farbos, directrice générale de Valorizon, le Syndicat Lot-et-Garonnais de valorisation et de traitement des déchets ménagers et assimilés, la coopération émane presque toujours d’un besoin. Dans le cas du syndicat, celui-ci est assez simple : les acteurs ont besoin les uns des autres pour que les déchets de certains deviennent les ressources des autres. Pour faire rimer écologie et économie à l’échelle du territoire, il faut que les acteurs se connaissent et se croisent, sinon ça ne marche pas. “Dans le Village du réemploi que nous avons créé, les acteurs du recyclage et du réemploi se rencontrent tout le temps, se réjouit Julie. On a créé des espaces partagés. Les acteurs ont plein de temps de discussion en commun. Aujourd’hui, certains échanges nous échappent et c’est tant mieux.” 

Le Syndicat met également à disposition de ses membres des outils partagés parmi lesquels une laveuse industrielle pour développer la consigne et le ré-emploi. “Dans le Village, les voisins sont de véritables partenaires, peut-on lire dans le journal municipal d’Agen. Le matériel ou les compétences en ressources humaines, la gestion commune des déchets ou d’approvisionnement de matières premières peuvent être ainsi partagés. Les besoins des uns peuvent être comblés par les autres.” L’ingrédient numéro 2 de la coopération est donc incontestablement le besoin : j’ai besoin de toi, tu as besoin de moi, coopérons !

Human first

“On ne dîne pas avec une personne morale”, la phrase de Clément Bosredon résume bien le 3e ingrédient de la coopération : l’humain. Dans le Pôle territorial de coopération économique (PTCE) Cap solidaire qu’il dirige et qui défère 80 acteurs de l'Économie Sociale et Solidaire du Sud Gironde, le lien est fondamental. Le Pôle travaille sur la mobilité en faveur des seniors depuis 2016 et a développé une plateforme idoine mais aussi mené des actions pour les jeunes autour de l’alimentation (elle porte le Plan alimentation territoire en lien avec 1 association et 2 syndicats mixtes)... Pour Clément, les coopérations réussies doivent combiner 4 aspects : l’humain donc, le tangible “il faut avoir des choses concrètes à mener”, mais aussi le temps et les financements, nerfs de la guerre. 

Recette de territoire

Les ingrédients sont identifiés ? Reste à peaufiner la recette. Christophe Rochard, chargé de mission emploi chez PQN-A (Pays et quartiers de Nouvelle-Aquitaine) préconise 4 grandes étapes pour que la mayonnaise de la coopération autour de l’inclusion prenne sur le territoire. 

  1. D’abord prendre le temps de l’interconnaissance, de la confiance entre les acteurs puis travailler sur des valeurs communes, sur une vision partagée, se demander à quoi ressemblera le territoire rêvé de demain.
  2. Ensuite, créer des habitudes de travail, des espaces d'échange, de dialogue, de coproduction pour passer du rêve à la réalité.
  3. Enfin, commencer petit en menant des actions simples qui donnent de la crédibilité à la démarche, permettent de célébrer les premières victoires et de créer de la fierté d’appartenir à ce mouvement.
  4. Et puis, accepter le désaccord. “Coopérer, cela ne veut pas dire être d'accord sur tout. il faut accepter, voire assumer qu'on n'est pas d'accord sur tout et se poser la question de ce qui nous réunit et nous fédère.”

Temps de cuisson, ustensiles… Christophe rappelle pour finir les caractéristiques que doivent présenter les territoires pour valider la recette. “Le territoire doit bâtir une vision stratégique à moyen et long terme de l’inclusion. Cette vision politique permet de fixer un cap pour le territoire et doit être élaborée avec tous les partenaires, les forces vives comme les acteurs de la société civile sans bien sûr oublier les acteurs de l’insertion.” 

Le chargé de mission préconise également de profiter des dynamiques locales à l'œuvre pour y intégrer des dynamiques d'insertion (PRU, économie circulaire, PAT, présence d'une filière très forte sur un territoire,...). Enfin, comme en cuisine, la coopération autour de l’inclusion en milieu rural ne se fait pas en un claquement de doigts et demande du temps et des moyens humains. Patience, donc… Pour conclure, Christophe cite Stéphane Bossuet,  expert sur les nouvelles organisations du travail impliquant la mutualisation et la coopération : “On ne peut pas décréter une coopération dans un territoire. Elle nécessite du temps, doit prendre en considération les enjeux propres à chaque situation locale et s’appuyer sur les envies.” À table !

La coopération prend la clé des champs

Cet article est issu de la rencontre au siège de la caisse locale de la MSA à Bordeaux, le 29 mars 2023 d’une cinquantaine d’acteurs de l’inclusion en Aquitaine. Tous étaient réunis dans  le cadre du progamme  Inclusion & Ruralité porté par la MSA qui accompagne avec makesense 35 lauréats sur tout le territoire, dont les deux acteurs locaux, la Ferme Deux Bouts et Ares Coop. Parmi les objectifs du programme Inclusion & Ruralité : accompagner le développement de structures inclusives en zones rurales isolées et faire de la coopération et de l’ancrage territorial des thématiques fortes du programme. Plus d’infos par ici : https://inclusion-ruralite.msa.fr/