Le 9 juin prochain auront lieu les élections européennes en France. 81 eurodéputés seront alors élus pour représenter notre nation au Parlement européen. L’Europe, c’est un paradoxe : “populaire” dans les enquêtes d’opinion, elle ne motive pas les foules à aller voter… Alors avant même de savoir pour qui votre cœur balancera, faites un point sur la base de tout ça.
1 - Le bazar des élections en gros, en très gros
Si tu lis cet article, c’est probablement que tu vis dans un pays appartenant à l’Union européenne et que tu auras donc la chance, que dis-je, l’honneur, d’élire bientôt des députés pour te représenter au Parlement européen.
C’est pas le moment de se distraire, un peu comme une éclipse de Lune un peu rare vois-tu, ces élections ont lieu tous les 5 ans, les dernières ont eu lieu en mai 2019, les prochaines… c’est donc pour cette année ! 720 députés européens vont être élus (contre 705 actuellement). Le nombre de députés pour un pays doit être compris entre 6 et 97 et est proportionnel au nombre d’habitants de chacun.
2 - Les dates : qui qui vote quand ?
Tu l’auras donc compris, cette élection, au contraire des municipales, des législatives ou de la présidentielle qui sont franco-françaises, concerne 27 pays en même temps. 27 pays de l’UE appelés, du 6 au 9 juin 2024, à se rendre dans les urnes, 450 millions de fourmis européennes qui vont mettre un petit bout de papier pour façonner un peu plus leur avenir et celle de la démocratie en Europe ! La maxi-teuf de la démocratie comme on dit.
Selon les pays, le jour diffère, chacun bosse quand il a envie de bosser, quoi. Par exemple, pour les Pays-Bas, c’est branle-bas de combat le jeudi. Pour nous, Français et Françaises, ce sera dimanche, juste avant le gigot chez les grands-parents.
3 - Que diable les députés européens vont-ils faire dans cette galère ? À quoi servent-ils ?
Les députés au Parlement européen, qu’on appelle aussi « députés européens » ne sont pas les superstars - dans le sens “tout le monde les connaît” - que sont certains de nos députés ou ministres. Et pourtant ils et elles font un paquet de trucs.
Dans leur besace : ils examinent les projets de nouvelles lois européennes, modifient les lois actuelles pour les « améliorer » (oui, la présence des guillemets est parfaitement réfléchie), avec le Conseil de l’Union européenne, ils décident du budget de l’Union européenne, ils votent les accords commerciaux avec les pays qui ne sont pas dans l’Union européenne (la crise agricole a rendu ce sujet très à la mode...) et enfin ils élisent la Présidente ou le Président de la Commission européenne. Autant dire que les journées sont dodues à souhait et les agendas boursouflés de rendez-vous et de débats multiples.
Juste pour vous montrer à quel point ce n’est pas anodin, regardons nos assiettes. Près des 40% des lois françaises sont d'origine européenne. La politique agricole commune porte donc bien son nom. Certains secteurs sont largement sous influence de l’Europe, c’est le cas de l'environnement : rappelez-vous le 27 février dernier lorsqu’un des piliers du Green Deal européen était sauvé du naufrage, grâce à la loi européenne sur la restauration de la nature. 329 eurodéputés avaient voté pour, 275 contre, et 24 se sont abstenus. C’était chaud et l’impact pour nos vies est bien réel !
D’autres secteurs sont moins “exposés” aux actions de l’Europe, comme l'éducation, le logement, la défense ou encore la fonction publique.
4 - Rappelle-moi qui sont les candidats et candidates ?
On ne va pas vous faire toute l’Europe, pas de panique, restons concentrés sur ce qui se passe en France et ses 21 candidats, quasi tous et toutes déclarés à l’heure qu’il est. Les listes sont nombreuses. Et leur tête de liste parfois peu connue. En gros, en vrac, en tiret bien rangés :
- Gauche radicale : Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière), Léon Deffontaines (PCF) et Manon
- Aubry (LFI) qui était déjà tête de liste lors des dernières élections.
- Ecologistes : Jean-Marc Governatori (L'Écologie au centre), Marie Toussaint (EELV) et Marine Cholley, d’un parti peu connu mais qui vaut le détour : Equinoxe
- Sociaux-démocrates : Raphaël Glucksmann (Place publique), Guillaume Lacroix (Parti radical de gauche)
- Centre et Conservateurs : Valérie Hayer (Renaissance), François-Xavier Bellamy (LR)
- Droite nationaliste et souverainiste : François Asselineau (Union populaire républicaine), Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France)
- Extrême droite : Marion Maréchal (Reconquête), Jordan Bardella (RN), Florian Philippot (Les Patriotes)
Sans oublier les autres indécrottables, bonjour à toi Jean Lassalle (Alliance rurale)
5- Et les sondages, ils disent quoi aujourd’hui ?
Le Rassemblement National est donné en tête, largement… À un peu plus de deux mois du scrutin, Jordan Bardella est donné gagnant avec 30% - oui 30 - et devance de 9 points la liste du parti présidentielle selon enquête Ifop-Fiducial pour LCI, Le Figaro et Sud Radio datant du 25 mars. Derrière, la liste du Parti socialiste, portée par Raphaël Glucksmann, obtient 11% des intentions de vote… Devant les Écologistes (7%), la France insoumise (6%) et le Parti communiste (3%). Enfin de l’autre côté, à droite, la liste conduite par François-Xavier Bellamy recueille 7% des intentions de vote.
6 - Les résultats, je les verrai où d’ailleurs ?
Tout est reporté sur le site internet du Parlement européen, juste ici.
7 - Que va-t-il se passer juste après les élections ?
Nous sommes donc le 10 juin et les élections sont passées, on s’embrasse, on pleure. Bon, et la suite alors ?
Peu de temps après, les (heureux ?) nouveaux et nouvelles élues élisent un ou une Présidente pour le Parlement européen, ainsi que le ou la Présidente de la Commission européenne.
Concernant le parlement lui-même, tout s’organise. Les petites et petits nouveaux travaillent, négocient, pour former des groupes politiques. Ces groupes politiques rassemblent, en gros, des députés de n’importe quel pays, mais dont les partis et familles politiques ont des objectifs communs. Note, si jamais l’idée te vient un après-midi d’automne où tu t’ennuies, que pour former un groupe politique, il faut au minimum 23 membres, avec au moins un quart des États membres représentés. À noter qu’un membre du Parlement ne peut appartenir qu'à un seul groupe politique. Les dits « non-inscrits » sont ceux qui n’appartiennent à aucun groupe politique.
En bonus, et pour ne pas être paumé quand tu écoutes France Inter le matin, on te fait un petit rappel sur les 7 groupes actuels du Parlement :
- Le Groupe du Parti populaire européen (Démocrates-Chrétiens), là-dedans tu retrouveras LR et tout ce qui se dit de “centre-droit”,
- Le Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen, dans lequel siègent les éléphants du PS,
- Le « Renew Europe Group », ça c’est l’équipe de notre président Manu entre autres,
- Le Groupe des Verts/Alliance libre européenne, ça t’as compris tout ou toute seule,
- Le Groupe des Conservateurs et Réformistes européens, ici c’est ambiance “Reconquête” paraît-il…
- Le Groupe «Identité et démocratie», dans la même veine, sauf que là tu croiseras les députés RN,
- Et enfin le Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne et Gauche verte nordique (GUE/NGL) parmi lesquels se trouve La France Insoumise.
8 - La routine européenne, ça ressemble à quoi ?
Une fois que chacun des groupes cités précédemment a géré son organisation interne (nommer un ou une présidente, ou deux co-présidents, un bureau et un secrétariat) et qu’on a offert les croissants le lundi matin pour mettre la bonne ambiance, la vie commence.
On s’installe dans sa nouvelle maison, déjà. Dans l'hémicycle, les places attribuées aux membres du Parlement européen sont déterminées en fonction de leur appartenance politique, de gauche à droite, un peu comme au Palais Bourbon en France.
Avant chaque vote en séance plénière, qui est un peu LE moment important de la vie politique d’un député, les groupes politiques se réunissent. Et là, on refait le monde : le groupe examine en fait les rapports issus des commissions parlementaires, trouve plein de choses à redire et dépose ensuite des amendements à ces mêmes textes.
La position prise par le groupe politique, ça c’est de la tambouille interne (de la « concertation » pour le dire joliment), et aucun membre du groupe, même les grandes gueules, ne peut recevoir un mandat de vote obligatoire.
9 - Parlement, commission, conseil, le jeu des 27 différences
Ne panique pas, beaucoup confondent.
D’un côté, il y a la Commission européenne à Bruxelles, et ses 27 commissaires. La boss actuelle, c’est Ursula von der Leyen. Ça, c’est l'organe exécutif de l'UE, qu’on pourrait comparer à notre "gouvernement" à l’échelle de la France. La commission exécute la loi mais il lui est aussi possible de proposer des textes, si une idée géniale la traverse. C’est aussi un peu le “responsable de la vie scolaire”, rappelle-toi, ce prof légèrement stressé, beaucoup trop légaliste : la commission veille à l’application du droit européen et met des taquets à qui ne respecte pas les règles. C’était par exemple le cas l’année dernière lorsque notre pays a été sanctionné pour ne pas avoir atteint ses objectifs européens en matière d'énergies renouvelables.
De l’autre, il y a le Parlement européen à Strasbourg qui nous intéresse donc dans cet article. Lui, on l’a déjà dit, il nous représente, vote et amende les lois, etc.
Le Conseil de l’Union européenne, ou le Conseil des ministres, regroupe quant à lui les ministres des 27 États membres de l'UE. Au conseil, on défend son bout de gras, son pays. Avec le Parlement c’est lui qui vote, amende les lois et exerce la fonction budgétaire. Sa présidence est tournante, un pays devient chef d’orchestre tous les six mois.
Et enfin le Conseil européen, géré par le Belge Charles Michel, qui a d’ailleurs un formidable accent lorsqu’il parle anglais, rassemble les chefs d'État des différents pays et la présidente de la Commission européenne. Fréquence de rendez-vous ? Quatre à l’année à peu près, souvent à Bruxelles. Là, on parle stratégie 100%. Et crise, aussi. C’est toujours lui qui intervient quand ça pète. Et derrière les autres institutions sont libres ou non de suivre ses orientations. À ne pas confondre avec le “Conseil de l’Europe” - oui ils jouent avec les mots hein ? - qui réunit une quarantaine de pays européens, hors UE aussi (la Russie n’en fait plus partie depuis le 16 mars 2022).
Donc si on récapitule :
- La Commission européenne défend l’intérêt général de l’Union européenne
- Le Parlement européen représente la voix des citoyens de l’Union
- Le Conseil de l’Union européenne représente et défend les intérêts des Etats membres
- Le Conseil européen donne à l’Union les impulsions nécessaires et fixe les grandes orientations politiques.
10 - À quoi bon voter ?
C’est l’éternelle question. Le fossé entre nous, simples électeurs et électrices lambdas et eux est grandissant. Néanmoins, le 9 juin prochain, on est d’avis de ne pas rater le coche :
- De 1 parce que si on tient à continuer à voter, si on tient à la démocratie, il va falloir s’accrocher et ne pas se tromper de bulletin, suivez mon regard. Vue la montée en flèche du populisme parmi nous, vus les nombreux pays où la démocratie a été rangée au placard, se déplacer c’est encore honorer notre droit de vote, dire qu’on en est fier, qu’on y tient et qu’on ne va pas gâcher ça, au nom de tous les peuples qui aimeraient pouvoir jouir de ça aussi.
- De 2, parce qu’il y a quelque chose d’incroyable quand même dans cette histoire de l’Europe. Avoir l’occasion de décider TRÈS collectivement de l’avenir de l’Union européenne, c’est aussi se sentir appartenir à cet esprit lointain, esprit que les fondateurs ont voulu empreint de paix, au lendemain d’une guerre terrible.
- De 3, parce qu’aller dans un isoloir, c’est toujours marrant, non ?
- De 4, parce que même si c’était inutile, c’est toujours bon, au cas où, d’utiliser un outil de plus pour changer la trajectoire de ce monde. On appelle ça le « mix stratégique » dans le milieu,
- De 5, soyons un peu égoïstes. Le résultat des élections européennes a des incidences très concrètes sur nous, plus qu’on ne pourrait le croire. C’est le Parlement européen qui adopte des lois qui elles-mêmes influencent nos vies derrière et ce dans de multiples domaines : environnement, sécurité, migrations, politiques sociales, droits des consommateurs, économie, état de droit, etc. ça on l’a dit, t’as suivi j’espère ?
Bonus : dans les starting blocks
Maintenant vous êtes fin prêts et prêtes. Pour voter, vérifiez déjà que vous êtes inscrit sur les listes ici. Vous pouvez voter si vous êtes un citoyen ou citoyenne de l’Union européenne, donc que vous avez la nationalité d’un pays qui fait partie de l’UE. Au passage, si vous vivez dans un autre pays de l’UE, vous pouvez aussi voter dans ce pays. Elle est pas belle la vie européenne ?