D’une personne à l’autre, Noël rime avec excitation ou angoisse, avec repos ou pagaille. Et d’un pays à l’autre, là aussi, la différence est totale. Et si on s’inspirait des quatre coins du monde pour aérer nos traditions et se frotter à d’autres coutumes ?
La fin du Noël sous perfusion consumériste
Noël peut-il dépasser le tableau, bien ancré dans nos imaginaires, de la ville de New York brillant de mille feux avec les illuminations de Dyker Heights, de son sapin du Rockefeller, des comédies musicales clignotant sur Broadway, de la patinoire de Central Park…? Noël peut-il être réinventé à l’aube des défis climatiques de notre temps ?
Notre réponse, ferme et définitive : oui. Et l’écologie n’entache en rien la magie de Noël qu’on aime, celle notamment dessinée par les contes et légendes. Exemple avec la fête dans sa version ukrainienne. Là-bas, finies les guirlandes gorgées d’électricité : l’arbre de Noël est enrobé et décoré… de toiles d’araignée. Spéciale dédicace à la biodiversité et à cet insecte, symbole de la chance pour les Ukrainiens. D’où vient cette étonnante coutume ? D’une histoire, celle d’une femme trop pauvre pour acheter des guirlandes qui découvre un beau jour son sapin couvert de toiles d’araignées semblant resplendir dans la lumière du soleil… Banco, ce sera sa nouvelle décoration. On ne peut plus low tech.
Le sapin d’ailleurs, parlons-en. Chaque année, nos trottoirs en sont couverts, ces arbres viennent de très loin, sont cultivés souvent sans aucune sobriété… D’où nous vient cette manie du sapin ? Réponse au Royaume-Uni, où le Prince Albert, à l’époque époux de la reine Victoria, décide d’importer l’arbre en Angleterre, tradition forte de son pays natal, l’Allemagne. Mais tout ça, ça date donc. Et si, en 2024, on remplaçait ce sapin ? En Inde, le bon vieux sapin devient un manguier ou un bananier. Paré de guirlandes, de boules, mais un arbre du coin. Prenons-en de la graine.
Décidément, les transitions de cet article sont fabuleuses. Direction la Croatie, où les familles ont l’habitude de semer, au début du mois de décembre, des grains de blé dans des petits pots et d’en prendre soin jusqu’au 24 décembre. Le blé est ensuite placé au pied du sapin lors de la veillée de Noël. Si le blé pousse, alors l’année sera bonne. Simple comme bonjour, vivant comme une plantule de blé.
Finissons avec le premier prix du Noël écolo décerné à la capitale du Venezuela : Caracas. Là-bas, les gens vont à la messe de Noël… en rollers. Phénomène populaire à tel point que certaines parties de la ville sont fermées à la circulation pour sécuriser les rues et rendre l’expérience en patins inoubliable.
Le sens de la fête
On l’a vu avec les JO : les temps de célébration, longs et collectifs, sont VITAUX. Quand on fête, on ne compte pas. Pourquoi donc se cantonner à être heureux le 24 au soir et ne pas allonger tout ça ? De nombreuses inspirations autour de nous : d’un côté les Irlandais qui commencent à fêter Noël dès le 13 décembre. La période est baptisée “Little Christmas”. De l’autre, nos chers Italiens de la région de Rome échangent leurs cadeaux le jour de l’Épiphanie, le 6 janvier. Fini le blues du 25. Même principe au Mexique où les habitants célèbrent jusqu’au 6 janvier, le “Día de los Reyes” en langue locale. Au passage, c’est aussi en ce jour qu’est savouré le rosca de Reyes, le gâteau traditionnel accompagné de son verre de ponche navideño, un punch aux fruits typique du pays. On reparle victuailles très bientôt, ne vous en faites pas.
Finissons avec les experts en la matière : les Philippines et Philippins. Là-bas, tout commence… dès le 1er septembre ! Imaginez : la rentrée commence et déjà “Jingle bells” retentit dans vos oreilles. Plus il y a de fêtes, plus on rit ?
La poésie sauvera Noël et le monde
Les Irlandais, encore eux, savent mettre de la beauté simple là où il faut. Nos amis placent en effet, au lendemain de Noël, une bougie sur le rebord de chaque fenêtre… Une sorte d’ambiance chaleureuse-confinement mais sans le covid.
Dans les lettres de “Irlande”, il y a “Inde”. Très très bien vu ça. Et ce qui est encore plus “bien vu”, ce sont ces petites lampes à huile fabriquées en argile le jour de Noël et sur le toit des maisons indiennes dans la foulée. Autre coutume, même poésie.
Et puis parfois, le capitalisme et les gros sous sont mélangés … à un peu de beauté. Et le résultat est étrange. Saviez-vous qu’en Espagne, et ce depuis la fin du 19e siècle, la loterie nationale met en jeu le 22 décembre le plus gros montant d’argent de l’année, joliment appelé “El Gordo” (le gros) ? Et c’est là qu’arrive un peu d’art, incongru dans ce monde de brutes et de billets : les numéros gagnants de la loterie sont ensuite chantés par … un chœur de vingt-deux écoliers ! On vous avait dit que c’était étrange…
Élevons-nous un peu et regardons les cieux. En Ukraine et en Pologne, sachez qu’on acte le bon moment pour ouvrir les cadeaux en regardant les étoiles. C’est pas beau ça ? En gros, le plus jeune des enfants doit regarder le ciel et alerte le reste des personnes quand apparaît le premier astre. Et l’ouverture des présents peut commencer.
Et finissons par les chants, pas ceux du loterie-business espagnol, ceux que votre grand-mère chante parfois discrètement dans son fauteuil. Saviez-vous que c’est en Autriche, en 1818, qu’a été créé le chant de Noël “Stille Nacht” (Douce Nuit) ? Avez-vous déjà vu des chœurs de Noël déambuler dans les rues à l’approche de Noël en France ? Oui, mais rarement, alors poussons ça, un peu plus ?
Ensemble, c’est tout
Parfois, les traditions sont telles que c’est le pays tout entier qui les porte. Le “Donald Duck Special” en Suède par exemple. Cette émission de télévision dure plusieurs heures et commence à 15 heures le 24 ! TOUT est calculé là-bas en fonction de ce rendez-vous, pour être sûr que personne ne loupe cela… Continuons dans ce coin avec la Norvège qui pratique elle : “Lille Julaften”, expression qui signifie “petite veillée de Noël”. Le 23 décembre, tout le monde reste chez soi et fabrique, en groupe, en famille, ensemble quoi, une maison en pain d’épices. Cette maison remplira les estomacs une fois les fêtes terminées, sorte de madeleine de Proust du Nord.
Finissons par un tour au Japon et à cette idée que tous les réfractaires de la Saint Valentin peuvent noter. Là-bas, c’est le 24 décembre qui fête les amoureux. La Sainte Adèle ça sonne vachement bien aussi.
Noël sous la dent
Parlons, enfin, de ce qui vous intéresse, ne faites pas les innocents. MANGER.
Il y a du lourd. Du très lourd. En Pologne par exemple, la veille de Noël (“Wigilia” en polonais), on déguste un dîner composé de 12 plats différents (dédicace aux 12 apôtres de ce bon vieux Jésus). Un exemple de ces plats ? Avec plaisir : la carpe. Porteuse de chance, d’ailleurs. Ou les barszcz pierogi, sortes de boulettes cuites dans une soupe de betteraves. Plus proche de nous, on a envie de tenter d’imiter les Hollandais. Eux mangent façon “goumetten”. En gros une raclette, mais sans fromage. Tout le monde fait cuire ses aliments (viande, légumes, etc.) dans de petites poêles au centre de la table. Chaleureux, inventif, on adore.
Finissons les saveurs avec le Malva Pudding, d’Afrique du Sud. Spécialité spéciale Noël, ce gâteau traditionnel fait de confiture d’abricots est servi chaud avec de la crème anglaise et de la glace. Jamais goûté mais est-ce possible de le faire cette année dear friends ?
A star is bientôt born
Alors oui, le Père Noël est encore le chouchou un peu partout. Alors oui, il y a certains peuples type les Irlandais (qui décidément adorent Noël) qui le choient beaucoup trop en lui laissant, le soir du 24, un verre de whisky ainsi que des carottes pour ses rennes. Enfant gâté.
Ce serait sympa de changer un peu, non ? S’agirait de grandir comme dirait l’autre. D’une part, on pourrait changer son nom : “Babbo Natale”, disent les italiens. Cela le rend un peu hippie, c’est sympathique. D’autre part, on pourrait redorer le blason et mettre la lumière sur d’autres personnages. Par exemple, la figure de la sorcière. Dans la région de Rome, c’est la gentille sorcière Befana qui amène les cadeaux le 6 janvier.
Au passage, vous pouvez prévenir le Père Noël qu’une période de chômage arrive pour lui à cette adresse : Père Noël, Pôle Nord H0H 0H0, Canada. C’est gratuit et si vous lui écrivez avant le 16 décembre, possible dans plus de 30 langues, y compris le braille, il répond, à ce qu’on raconte.
Cher Père Noël ? Tu nous aides à faire de cette fin d’année le début d’une page blanche, de conflits qui disparaissent, de crises qui s’éteignent, au moins un peu ?