Lorsque l’on décide de se lancer dans l’entrepreneuriat, il est parfois difficile de se retrouver dans la jungle juridique et d’identifier la structure la plus à même de porter son projet. Les process administratifs qui entourent la création d’une structure, le nombre de modèles possibles et la peur de faire le mauvais choix peuvent même parfois freiner ceux qui souhaitent se lancer.
Il est très ambitieux, voire quasi impossible de présenter, en l’espace d’un seul article, les pour et les contre des différentes structures tant cela dépend du cadre spécifique à chaque projet. Nous allons néanmoins, modestement, tenter de défricher au maximum cette jungle pour que la création d’une structure porteuse d’un projet apparaisse moins opaque et surmontable.
Deux points d’attention avant de continuer. Premièrement, cet article a un prisme juridique. Souvent d’autres facteurs entrent en jeu et ont leur incidence sur le choix d’une structure, notamment la fiscalité. Deuxièmement, il faut savoir que, quelle que soit la forme de la structure retenue, l’objectif premier des structures juridiques est de créer une frontière entre le « patrimoine privé » et le « patrimoine social » des porteurs de projet. La structure juridique a un rôle protecteur envers ceux qui vont la créer.
Ceci étant dit, commençons par présenter les structures les plus courantes.
L’association
En bref : L’association permet de mettre en commun une activité ou des connaissances, sans volonté de réaliser des profits. L’association peut s’adapter à tout projet mais elle est plus souvent choisie et dans le cadre de projets qui cherchent à promouvoir de nouvelles façons de consommer, de produire ou bien qui ciblent des publics spécifiques (comme les réfugiés climatiques, les sans domicile fixe, etc.).
L’association peut être « simple » ou « déclarée ». Seules les associations déclarées peuvent avoir patrimoine et nous intéressent donc ici.
A quoi cela sert ? L’association est une personne morale, disposant donc d’une personnalité juridique propre, distincte de ses fondateurs. Elle peut porter des contrats, embaucher des salariés, contracter des prêts, etc. Elle présente des avantageuses fiscaux car elle n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés tant que l’activité n’est pas lucrative (et, pour des activités lucratives accessoires, dispose d’un seuil de non-imposition). Elle présente également l’avantage de pouvoir obtenir certaines subventions voire, si l’association est reconnue d’utilité publique, de faire appel à la générosité du public pour se financier. En contrepartie, l’association présente l’inconvénient (mais ce n’est pas son objet) de ne pas pouvoir rémunérer ses dirigeants, ou selon des règles restrictives (3/4 du SMIC). Les bénéfices d’une association ne peuvent jamais être reversés aux dirigeants. On ne peut pas non plus valoriser facilement les actifs d’une association (comme une marque, un logiciel, etc.).
Comment créer une association ? Les statuts d’une association relèvent de la loi de 1901, qui impose deux règles :
- la création d’une association par au moins deux personnes ;
- et la mise en place de projets à but non lucratif.
Pour créer son association, il faut d’abord rédiger les statuts ; désigner le bureau de l’association ; puis déclarer l’association auprès de la préfecture. La création de l’association sera publiée au Journal Officiel.
Avantages :
- aucune autorisation préalable n’est requise
- les formalités sont réduites
- la fiscalité avantageuse
- absence de cotisations sociales et comptabilité allégée
Pour aller plus loin : https://www.service-public.fr/associations
Le statut d’auto-entrepreneur
En bref : Le droit a horreur du vide. Le statut de l’entreprise individuelle est la réponse juridique lorsqu’on exerce une activité rémunérée mais qu’aucune société n’a été créée. Les activités commerciales, artisanales et libérales (relevant de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse des professions) peuvent être exploitées sous ce statut.
A quoi cela sert ? Le statut d’auto-entrepreneur est très avantageux quand vous avez un projet qui repose sur la vente de biens ou de services que vous pouvez directement proposer (par exemple développement informatique, conseils, etc.). L’avantage du statut d’auto-entrepreneur est la simplicité du régime fiscal. Les bénéfices sont imposés à l’impôt sur le revenu (sauf choix contraire) et il n’est pas nécessaire de tenir une comptabilité. De fait, vous n’avez pas à collecter la TVA mais vous ne pouvez pas non plus déduire « au réel » vos charges. A la place, vous pouvez déduire forfaitairement 34% de votre chiffre d’affaires. C’est donc un régime intéressant quand on souhaite se lancer vite et que les coûts d’entrée du projet ou de l’activité sont bas. Toutefois, et notamment si le succès est au rendez-vous, le statut trouve assez vite sa limite, notamment sur l’absence de déclaration au réel de ses frais et charges (le pourcentage de 34% pouvant être vite atteint et ne plus couvrir ce que vous dépensez vraiment pour votre activité). L’auto-entrepreneur peut également bénéficier d’une aide aux créateurs et repreneurs d’entreprises (ACRE), permettant une exonération des cotisations sociales, sous conditions. C’est donc le statut parfait pour se lancer rapidement pour un projet solo.
Comment déclarer son statut d’auto-entrepreneur ? Les conditions d’accès à ce statut sont relativement simples : il faut être une personne physique ; résider en France, posséder la nationalité française ou une nationalité européenne ; avoir la capacité juridique ; et travailler de manière indépendante, c’est-à-dire en l’absence de lien de subordination. Pour créer son statut d’auto-entrepreneur, il est nécessaire de déclarer son activité auprès du Centre des Formalités des Entreprises, puis procéder à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés. À noter : l’ouverture d’un compte bancaire dédié à l’activité professionnelle est requise.
La seule obligation de l’auto-entrepreneur est de déclarer chaque mois ou trimestre son chiffre d’affaires, en ligne. Concernant la comptabilité, une simple conservation d’un journal de recettes est requise. Il n’est pas nécessaire d’établir un quelconque bilan comptable.
L’auto-entrepreneur est affilié au régime général de la sécurité sociale, qui n’offre pas le même niveau de garantie que le statut de salarié. D’autres inconvénients : il est nécessaire de respecter des seuils annuels de chiffre d’affaire pour bénéficier du statut d’auto-entrepreneur, ce qui peut limiter l’accès au statut. D’autre part, l’auto-entrepreneur ne peut déduire aucun frais professionnel.
Les avantages :
- formalités déclaratives simplifiées, en ligne
- flexibilité du statut : permet de continuer une activité salariée (attention aux clauses de non concurrence et d’exclusivité du contrat de travail) ou une formation en parallèle
- procédures fiscales et sociales allégées
Pour aller plus loin : https://www.autoentrepreneur.urssaf.fr/portail/accueil.html
La société par actions simplifiée (SAS)
En bref : C’est aujourd’hui la structure reine de la « start-up nation ». C’est une société commerciale. Comme toute société, elle a pour objet de partager les bénéfices et les risques entre associés dans le cadre d’une activité lucrative.
A quoi cela sert ? L’avantage principal de la SAS, surtout pour les start-ups, est sa souplesse. Le fonctionnement de ce type de société est largement régi par ses statuts. La liberté de rédaction laissée à ces derniers permet de construire une organisation ad hoc en fonction des besoins des associés et du projet. Il est possible de rajouter des organes de direction et de surveillance et de fixer les règles de répartitions des dividendes, les droits des associés peuvent ainsi être différenciés (possibilité, par exemple, d’attribuer à tel ou tel associé des droits de vote indépendamment de sa participation au capital).
Concernant les associés, la SAS peut être constituée par toute personne physique ou morale. Elle peut comporter un seul associé : il s’agira alors d’une société par actions unipersonnelle (SASU). La responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports.
Une SAS est dirigée par un président, nommé dans les conditions prévues par les statuts. Il est affilié au régime général de la sécurité sociale.
Le montant du capital social est librement fixé par les statuts.
La SAS est enfin largement privilégiée lorsqu’on cherche des financements externes. La souplesse de la structure permet en effet un changement fréquent d’actionnariat sans modification des statuts, les « règles du jeu » entre associés étant le plus souvent régies par un Pacte d’associés.
Comment créer sa SAS ? Il faut rédiger les statuts (et, en cas de pluralité d’associés, un pacte d’associés est fortement recommandé) ; nommer un ou des dirigeants ; réaliser des apports en numéraires (c’est-à-dire en argent) ou en nature (actifs autres que de l’argent) ; publier un avis de constitution au journal des annonces légales et enfin demander l’immatriculation de la société au registre des commerces et des sociétés.
Avantages :
- forme de société très contractuelle, déchargée du formalisme des autres formes sociales
- responsabilité des associés limités à leurs apports
- aucun minimum de capital social
- absence de nombre maximum d’associés
Pour aller plus loin : https://www.economie.gouv.fr/entreprises/societe-actions-simplifiee-SAS
La société à responsabilité limitée (SARL)
En bref : Là encore, c’est une société commerciale. Cela implique donc une visée lucrative. Une SARL doit être constituée par au moins deux associés, ou un seul en cas de SARL unipersonnelle. Il peut s’agir de personne physique ou morale. Toutes les activités peuvent être exercées en SARL, sauf quelques exceptions prévues par la loi.
A quoi cela sert ? La SARL est plus codifiée que la SAS. Comme son nom l’indique, la responsabilité des associés est là aussi limitée : ils ne sont responsables qu’à hauteur de leurs apports dans la société. Concernant la prise de décision, les décisions les plus solennelles comme l’augmentation du capital ou le changement de la dénomination sociale sont prises par l’ensemble des associés.
La structure est donc plus rigide est sûrement moins propice à des projets agiles et innovants.
Comment créer sa SARL ? Pour créer une SARL, il faut rédiger les statuts (qui peuvent être modifiés au cours de la vie de la société sur décision des associés) ; nommer un ou des dirigeants ; réaliser des apports en numéraires (c’est-à-dire en argent) ou en nature (actifs autres que de l’argent) ; publier un avis de constitution au journal des annonces légales et enfin demander l’immatriculation de la société au registre des commerces et des sociétés.
L’avantage :
- le dirigeant peut bénéficier de la couverture sociale des salariés.
Pour aller plus loin : https://www.economie.gouv.fr/entreprises/societe-responsabilite-limitee-sarl
Et l’Économie Sociale et Solidaire ?
En bref : La loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (dite « loi ESS ») a créé le statut d’entreprise de l’économie sociale et solidaire. Il ne s’agit pas d’une nouvelle structure mais d’un « filtre » qui vient s’ajouter aux statuts de la société. Une entreprise de l’économie sociale et solidaire peut demander l’agrément ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale) auprès de l’administration, ce qui donne accès à certains avantages en contrepartie d’une réduction forte de la visée lucrative de la société.
A quoi cela sert ? Tout d’abord, l’agrément ESUS permet de faire état du respect des conditions légales et règlementaires s’y rattachant. En cela, il constitue une véritable vitrine, avalisée par une autorité officielle, et susceptible d’attirer des investisseurs ou une clientèle animée par une recherche de sens. De manière plus concrète, l’agrément ESUS peut constituer un avantage lors de la recherche de financements par la société. Ainsi, les entreprises agréées pourront bénéficier des fonds issus de l’épargne salariale solidaire et d’autres dispositifs.
Dès lors, les avantages financiers qu’il procure doivent être mis en balance avec cette potentielle limitation des sources de financement privé afin d’apprécier au mieux l’opportunité d’en demander l’octroi.
Comment obtenir l’agrément ESUS ? Il faut répondre à plusieurs conditions d’éligibilité, à savoir :
- poursuivre un but autre que le seul partage des bénéfices ;
- avoir une gouvernance démocratique ;
- avoir un objet d’utilité sociale (soutien aux personnes, contribuer à la préservation et au développement du lien social, contribuer à l’éducation à la citoyenneté, concourir au développement durable, à la transition énergétique, à la promotion culturelle ou à la solidarité internationale) ;
- avoir des charges induites par des activités d’utilité sociale qui ont un impact significatif sur le compte de résultat ;
- suivre une politique de rémunération qui plafonne les plus hauts salaires ;
- prévoir une réserve statutaire obligatoire dite fonds de développement d’un montant au moins égal à 20 % des bénéfices de l’exercice.
Pour être reconnue comme « entreprise de l’ESS », la société commerciale devra effectuer les démarches d’immatriculation nécessaires auprès du centre de formalités des entreprises dont elle relève pour qu’apparaisse sur son extrait K-bis la mention « entreprise de l’économie sociale et solidaire ». Par ailleurs, elle devra effectuer une demande d’agrément et joindre toutes les pièces justificatives prévues par la règlementation. Le silence gardé par l’administration au-delà de 2 mois à compter du dépôt du dossier complet vaut acceptation de la demande.
L’agrément est délivré pour une durée de 5 ans ou de 2 ans pour les entreprises de moins de 3 ans.
Avantages :
- reconnaissance institutionnelle
- bénéfice d’aides et financements spécifiques
- accès à l’épargne salariale solidaire et à des réductions fiscales
Pour aller plus loin : https://www.economie.gouv.fr/entreprises/agrement-entreprise-solidaire-utilite-sociale-ess
Pour conclure
Comme pour toute réflexion par rapport à un projet, il est nécessaire de se poser les bonnes questions avant de choisir la structure la plus adaptée. Il faut se questionner vis-à-vis de sa situation personnelle et de celle de ses associés, vis-à-vis de l’essence du projet (lucratif, non lucratif, lucratif mais avec agrément ESUS, etc.) et vis-à-vis de ses cibles (investisseurs, organes de subventions, les clients ou bénéficiaires).
Une vigilance particulière doit être apportée lorsque vous décidez de créer deux structures (une association et une société commerciale par exemple) pour porter un même projet. Le couplage société/association, bien que possible, doit être organisé avec soin.
Dans tous les cas, il est préférable de se faire accompagner par un expert-comptable ou un avocat lors de la création de sa structure, quelle qu’elle soit, les subtilités étant nombreuses.