«Bonjour, j’ai créé une entreprise sociale et je souhaite lever des fonds, mais sans vraiment savoir comment faire. Est-ce que vous auriez des conseils ? »
Chez makesense, nous rencontrons tous les jours des entrepreneur·ses sociaux perdus ou démunis face à la question de la levée de fonds. Souvent présentée comme le Graal de l’entreprise en forte croissance, la levée de fonds reste encore un parcours du combattant pour nombre d’entrepreneur·ses sociaux.
Bien que convaincus que le focus principal de tout entrepreneur social doit rester la multiplication du nombre de vies positivement impactées (davantage que le nombre d’euros levés – cf article “Start-Up Sociale“ ? De la course aux levées de fonds à celle des vies impactées), voici les principales questions à te poser avant de te lancer dans une levée de fonds auprès d’investisseurs ?
Est-ce que la levée de fonds est le mode de financement adapté à mon projet ?
La levée de fonds est un mode de financement adapté à des modèles d’affaires qui (1) ont un fort potentiel de croissance (car les financeurs attendent un retour sur investissement) et (2) sont encore souvent assez risqués (pas encore de chiffre d’affaires).
Comme tout financement, une levée de fonds et l’intégration d’investisseurs dans l’entreprise comportent des avantages et des inconvénients. Premier rappel, malgré l’absence de taux d’intérêt et d’une date fixe à laquelle l’argent doit être retourné, il ne s’agit pas d’argent gratuit. Les investisseurs s’attendent à une valorisation de leurs parts. C’est pourquoi nous conseillons aux entrepreneurs d’étudier les implications d’une levée avant d’adopter cette démarche, et de prendre le temps de se poser quelques questions.
Quelle est mon ambition personnelle au sein de mon entreprise sociale à moyen-long terme ?
Il est primordial de garder en tête que les investisseurs qui “entrent au capital” (= achètent des actions de l’entreprise) attendent un retour sur investissement. S’il s’agit d’investisseurs particuliers (business angels), ils peuvent être patients. S’il s’agit d’investisseurs professionnels (fonds d’investissement), ils ont pour obligation de revendre leurs actions dans un délai de 5 à 8 ans environ.
Aussi, il est rare qu’une entreprise réalise une seule levée de fonds. Une fois qu’on décide de faire “entrer au capital” des investisseurs, on accepte de progressivement partager le contrôle du projet et qu’à moyen-terme, celui-ci sera progressivement ou intégralement revendu à des acteurs capables d’acheter l’entreprise (industriels du secteur, assureurs, etc.).
Pour que le processus se passe bien, tu dois être serein.e sur tes ambitions pour le projet : comment je me projette à 5 ou 10 ans ? Quel est le rythme de croissance que je souhaite pour le projet ? Si tu souhaites rester seul maître à bord, la levée de fonds n’est pas le financement idéal ! N'hésite pas explorer d’autres pistes de financement.
A l’inverse, tes premiers investisseurs peuvent également être des conseillers précieux pour ton développement. Parce qu’ils prennent des risques à tes côtés, ils peuvent déployer des moyens importants (conseils, réseau, accompagnement, etc.) pour accélérer ton projet.
Sur des marchés très compétitifs où il est nécessaire de croître vite pour “prendre des parts de marché”, ou lorsqu’on développe un modèle qui génère peu de chiffre d’affaires les premières années, les opportunités offertes par l’entrée d’actionnaires peuvent s’avérer très attractives et très bénéfiques.
Quelle est ton aspiration ?
C’est ta vision du projet et tes attentes en termes de croissance qui te permettront de trancher pour la levée de fonds ou un autre mode de financement.
Suis-je prêt.e à partager le pouvoir de décision avec des investisseurs ?
L’entrée au capital d’investisseurs signifie que les investisseurs apportent des financements pour devenir propriétaires d’une partie de la société. Lors d’une première levée de fonds, l’équipe de fondateurs reste le plus souvent majoritaire et, de ce fait, jouit d’une certaine liberté et une emprise opérationnelle importante. Pour autant, une fois des investisseurs intégrés au capital, la gouvernance devra se structurer différemment (reporting régulier et encadré, droit de veto au conseil d’administration de l’actionnaire, etc.) et la marge de décision des fondateurs se réduit au fur et à mesure de l’intégration progressive de nouveaux investisseurs. Se lancer dans une levée de fonds, c’est accepter de “lâcher prise” et de partager les décisions et orientations stratégiques avec autrui.
Ces points sont d’autant plus critiques pour une entreprise dont la mission est de résoudre un défi social et/ou environnemental. D’une part, faire entrer des investisseurs permet d’accélérer sa croissance et donc de démultiplier son impact. D’autre part, partager la propriété du capital, c’est renforcer le poids des considérations de rentabilité à 3-5 ans dans les décisions stratégiques.
Quoi qu’il en en soit, si tu optes pour l’option levée de fonds, garde en tête que le choix d’investisseurs qui partagent une même vision d’impact, qui aspirent aux même changements sociétaux que toi est essentiel pour garder l’impact au coeur de l’entreprise.
Qu’est-ce que je recherche dans cette levée de fonds ? Quels sont mes besoins ?
Définir la stratégie de financement (de combien ai-je besoin ?) et d’actionnariat (quels actionnaires ? quelle dilution du capital ?) nécessite en amont d’avoir défini sa stratégie tout court. En effet, ces décisions influencent le futur de l’entreprise, sa gouvernance et l’équipe à 5 voire 10 ans.
C’est pourquoi il est primordial de définir son besoin de financement : le montant nécessaire pour investir et financer les chantiers prioritaires de la structure dans les 18 à 24 prochains mois (R&D, commercial, etc.).
À garder en tête, on fait généralement rentrer un actionnaire dans le capital en contrepartie de :
– financements directs
– compétences et expertises
– chiffre d’affaires (à travers son réseau ou en étant apporteur d’affaires – cela peut-être le cas d’un partenaire industriel ou d’une entreprise du secteur souhaite entrer au capital)
Dans le cas d’une première levée, il est important de privilégier des investisseurs qui peuvent apporter des compétences, du réseau, des expertises, etc. C’est ce qu’on appelle la « smart money ».
Ok, mais au fait, est-ce que j’intéresse des investisseur·ses ?
Pour répondre à ces questions, tu dois être attentif.ve à deux points :
→ ton modèle d’affaire ou “business model” : il s’agit ici de te poser objectivement la question de la santé et du potentiel de développement de ton entreprise sociale : quel potentiel de marché, quelle croissance du secteur, du chiffre d’affaires, quelles sources de revenus, quelles cibles clients, etc.
Investir dans une entreprise revient à faire le pari de la croissance, tu dois pouvoir témoigner d’un modèle économique viable et à fort potentiel de croissance, qui est aligné avec ton modèle d’impact.
→ la structuration du capital : avant d’envisager de lever des fonds, il est important de bien définir de quelle façon le capital est aujourd’hui réparti entre les associés afin de préparer l’entrée au capital de tiers externes. Cette répartition peut se faire selon plusieurs critères (expérience, ancienneté, responsabilités, etc.).
Par ailleurs, il s’agit également de s’assurer du bon équilibre entre dette et fonds propres : une entreprise trop endettée pour sa levée de fonds est moins attirante, d’autant plus si elle n’en est qu’à ses débuts.
Voilà, ça fait déjà beaucoup pour une première entrée en matière… 😎