Comment avoir une structure juridique qui reflète les valeurs de sa boîte ?

Comment avoir une structure juridique qui reflète les valeurs de sa boîte ?

Avec Raphaël Petit, Anna Sollogoub, Fabien Cassam, de C’est Qui le Patron ?!
12 June 2025
par Paloma Baumgartner
3 minutes de lecture

C’est Qui le Patron ?! est une marque coopérative de produits alimentaires à prix justes et équitables pour les producteur·ices et les consommateur·ices

Comment avoir une structure juridique qui reflète les valeurs de sa boîte ?

Aujourd’hui, il existe une méconnaissance sur la répartition de la valeur dans les filières agricoles et alimentaires. En tant que consommateur·ices, on prend des décisions d'achat, mais on manque souvent d'informations pour faire des choix éclairés. C’est ce besoin de mieux répartir la valeur dans la chaine agro-alimentaire, combiné aux difficulté de la préserver lors de l’inflation de 2016, qui a mené à la création de C’est Qui le Patron ?!, sous la forme d’une coopérative de consommateur·ices. Objectif : proposer au grand public des produits dont ils déterminent les prix eux-mêmes, en toute connaissance de cause avec devant elles et eux la rémunération réellement touchée par les producteur·ices. Cela permet de créer une chaîne de valeur vertueuse qui déresponsabilise le consommateur en tant que dernier maillon, et le responsabilise dans la détermination de la valeur du produit.

Comment on fait ?

Afin de répartir cette prise de décision, C’est Qui le Patron ?! a constitué un modèle juridique aux multiples structures, avec notamment la mise en place d’une gouvernance partagée. “La structuration doit refléter les valeurs fondatrices”, nous dit Raphaël, son directeur juridique.

Elle se compose de 3 structures au rôle bien spécifique :

  • La coopérative (Société coopérative d’intérêt collectif – SCIC). C’est la structure centrale, composée des consommateur·ices sociétaires qui rencontrent et créent du lien direct avec les producteur·ices, qui décident collectivement des stratégies et évolutions des produits et assurent la transparence du modèle. Toute personne peut rejoindre cette coopérative avec la contribution symbolique d’1€.
  • La société commerciale (SAS). Elle protège et développe la marque, sous contrôle de la coopérative. Elle a pour rôle d’établir les cahiers des charges, contractualiser les partenariats et opérer la commercialisation des produits.
  • La Maison Des Marques (LMDM). Elle comprend les fonctions support et a pour mission d’expérimentation et développement de nouveaux projets.

Si on simplifie le schéma : la SCIC répond à la volonté de partager le pouvoir, tandis que la SAS détient la marque dans une structure séparée. La coopérative décide des grandes orientations, et la SAS les met en œuvre. Pour contrôler la SAS, des actions préférentielles, détenues par la coopérative, ont été mises en place dans le capital de la SAS, conférant un droit de veto sur certaines décisions.

Transparence et résilience

Récolter les avis des sociétaires se fait de plusieurs façons. L’équipe CQLP a mis en place un questionnaire, pour sensibiliser les consommateur·ices sur le prix et la qualité finale des produits, avant de leur demander d’évaluer le prix final de celui-ci. Ces résultats permettent alors de définir une marge de prix. Les sociétaires peuvent vérifier le respect des points définis dans le cahier des charges, avant que s’entame un processus de vote pour déterminer le prix de vente final conseillé du produit. Aujourd’hui, C’est Qui le Patron ?! compte plus de 15 000 sociétaires et autant d’opinion pour débattre de la valeur de nos assiettes.

Qu’en tirent les actionnaires ? Dans CQLP, il n'y a pas d'enrichissement personnel. Le partage de la valeur se fait à la fois sur la ligne de production et en interne. Les bénéfices sont réinvestis dans des entreprises soutenant les producteurs ou reversés à des associations, bien que les règles de répartition entre ces options soient encore à clarifier. Plus récemment, une fondation actionnaire a même été créée, dans laquelle le fondateur de la coopérative a reversé ses actions, dont la propriété personnelle de la boîte.

Les conseils de Raphaël, Anna et Fabien à l’entrepreneur·se en devenir :

  • L'apprentissage clé est le lâcher-prise. Nous avons un collectif riche et diversifié. Préserver la simplicité et l'authenticité tout en cherchant l'équilibre est essentiel. Nous nous considérons avant tout comme des consommateurs et évitons de complexifier les sujets.
  • La consultation collective des sociétaires est ancrée dans notre culture. En tant que sociétaire, nous sommes tous consultés régulièrement, même sur des sujets complexes comme le changement de contenant d'un produit ou l'ajustement du prix voté conseillé, en soutien aux producteurs.
  • La démocratie et le collectif sont exigeants. Le temps des sociétaires est précieux, et il ne faut pas le considérer comme acquis. Préserver le lien entre les sociétaires et les producteurs tout en grandissant est un défi constant.

Pour aller plus loin :