Depuis une dizaine d’années, makesense et l’Institut de l’Intrapreneuriat constatent un changement de tendance de plus en plus marqué : à l’origine portées par les services innovation (avec parfois l’implication de la RSE dans le cadre de programme à impact), les démarches d’intrapreneuriat jouent ces dernières années un rôle de plus en plus RH. Et pour cause !
Cette évolution est plutôt simple à expliquer : alors que les bénéfices en termes d’innovation se font sentir dans un horizon minimum de 3 ans après le lancement d’un programme d’intrapreneuriat, les résultats RH, eux, sont immédiats. Cela s’inscrit dans un contexte où les organisations réalisent que ces programmes ont également une visée de transformation des individus et de la culture du travail, alors que les projets disruptifs sont rares.
Pourtant, les programmes d’intrapreneuriat ne sont encore qu’exceptionnellement dans la ligne de mire des RH. Dans cet article, nous détaillerons pourquoi et comment l’intrapreneuriat peut être au service des enjeux RH, de la marque employeur à la formation en passant par le bien-être et l’engagement des salariés. En somme : comment il peut réconcilier l’individu au projet d’entreprise. Nous nous baserons pour cela sur l’enquête que nous avons réalisée auprès de plus de 100 intrapreneurs de 15 entreprises.
L’intrapreneuriat, un moyen de renforcer sa marque employeur dans un contexte RH parfois difficile
Commençons par démanteler une idée reçue qu’on entend souvent : non, l’intrapreneuriat n’attire pas les “planqués”, même quand du temps pris sur le temps de travail est alloué au projet. Au contraire ! Lorsqu’on interroge les principales motivations à participer à un programme d’intrapreneuriat, on retrouve sur le podium 1. l’envie de porter un projet en autonomie (30%) et 2. l’envie de se challenger et d’apprendre (26%). L'intrapreneuriat stimule les motivations intrinsèques des salariés pour les conduire vers une nouvelle dynamique positive au service du projet commun. En ce sens, l’intrapreneuriat apporte une solution au défi RH du désengagement au travail.
L’intrapreneuriat peut également ouvrir de nouvelles perspectives aux talents de l’entreprise qui ont besoin d’évoluer et qui ne se retrouvent pas dans les carrières linéaires. Ce qui a été le cas, par exemple, de Yael Jacquey-Dehaese qui, après 15 ans au sein de la Société Générale, intègre son programme d’intrapreneuriat, dont elle ressort en ayant créé une nouvelle start-up interne avant d’être nommée responsable Diversité !
Aussi, les programmes d’intrapreneuriat, et surtout les programmes à impact, apportent une réponse précieuse à la fameuse quête de sens des salariés (qui concerne 92% des répondants d’une étude réalisée avec Audencia). Cela se confirme également dans notre enquête où plus de 2 répondants sur 3 (68%) indiquent avoir cherché à développer un projet à impact social et/ou environnemental, ce qui leur a permis de s’investir dans une mission en cohérence avec leurs préoccupations personnelles.
Enfin, l’intrapreneuriat apporte au collaborateur-intrapreneur un rayonnement en interne qui est très valorisant et renforce son sentiment d'appartenance. En effet, 74% des répondants de notre enquête affirment avoir une meilleure vision de l’entreprise, 66% un sentiment de loyauté plus fort. C’est d’autant plus le cas quand l'entreprise prévoit de valoriser ses participants, par exemple, avec la mise en place d’une certification des compétences acquises durant leurs parcours. L’emlyon propose de reconnaître ces dernières à travers un certificat issu de la prestigieuse école ; un gage de reconnaissance qui permet de mieux sécuriser les parcours professionnels dans l’entreprise mais aussi l’employabilité des intrapreneurs. “Je me suis senti reboosté personnellement et professionnellement”, témoigne un collaborateur de la FDJ “certifié intrapreneur”.
L’intrapreneuriat, un puissant outil de formation et de développement des talents
Au-delà de la marque employeur et de l’attraction de nouveaux talents, l’intrapreneuriat est d’abord un puissant levier de développement de nouvelles compétences en lien avec le travail de demain: esprit d’initiative, approche agile, montage de projets, prise de parole en public, assertivité, travail en équipe, force de persuasion, design thinking, etc. En bref, un programme d’intrapreneuriat prépare les collaborateurs à devenir des leaders interfonctionnels pour mieux anticiper les mutations des organisations. +77% des répondants de notre étude affirment avoir progressé sur les compétences mentionnées, 65% disent également avoir découvert de nouveaux sujets. Qui dit collaborateurs bien formés, dit collaborateurs plus efficaces dans leurs missions professionnelles !
En proposant aux salariés des parcours de formation dans leurs domaines d'intérêt, l’intrapreneuriat leur offre des opportunités de développement et d’évolution personnalisées, pour réaliser leur plein potentiel au service de l'entreprise. Un élément crucial pour fidéliser ses talents, à l’heure où les collaborateurs attendent de l’entreprise qu’elle les accompagne dans leur évolution professionnelle !
L’intrapreneuriat crée des opportunités d’échanges et renforce ainsi les liens et le transfert de compétences au sein de l’entreprise. Près de la moitié des répondants de notre enquête mentionne l’élargissement de leur réseau et la visibilité interne comme bénéfices du programme. «Hyper formateur, le programme m’a aussi permis de développer un grand réseau au sein de mon entreprise. » témoigne un collaborateur “certifié intrapreneur”. «Je ressors motivé, avec une meilleure compréhension du fonctionnement de l’entreprise et de ses enjeux». Les programmes les plus avancés impliquent les DRH pour inscrire l’intrapreneuriat dans les systèmes internes et faciliter la transmission des nouvelles compétences développées au fil du parcours : l’intrapreneuriat peut alors devenir un puissant levier d’accélération de la transformation de l’entreprise.
Pour conclure : des freins persistent, mais on y croit ! (et on vous donne des conseils)
Si les choses évoluent, c’est encore un peu trop lent (à notre goût !) : dans de très nombreux exemples, l’implication des RH a été identifiée comme un facteur clé du succès du programme d’intrapreneuriat, et pourtant 69% des répondants de l’étude estiment que leur RH ne reconnaît ou ne valorise pas les nouveaux acquis et nouvelles compétences. Or quand les RH sont trop peu impliqués, les expériences sont moins positives et les bénéfices bien plus limités.
Voici donc une liste de conseils pratiques pour s’assurer, en tant que RH, de contribuer et de bénéficier des programmes d’intrapreneuriat :
- S’intéresser au sujet et le faire vivre : parlez aux départements innovation et/ou RSE, échangez avec d’autres structures, renseignez-vous sur les initiatives existantes dans l’entreprise, voire soyez à l’origine d’un programme ou d’un dispositif simple dans un premier temps. Par exemple, la communauté des intrapreneurs de Sodexo est née d'une initiative des RH pour développer la motivation, l’engagement et l’esprit d’initiative des équipes. Le programme « We love Intrapreneurs » de Safran a deux sponsors : la Direction des Ressources Humaines Groupe et la Direction DSTI Stratégie Recherche Technique et Innovation.
- S’inspirer d’exemples concrets pour une implication tangible : il existe un programme d’intrapreneuriat et vous avez carte blanche pour vous impliquer en tant que RH ? Profitez-en pour intégrer le programme aux objectifs annuels des intrapreneurs, inclure de nouvelles compétences aux plans de formation, imaginer des systèmes de valorisation interne et/ou externe, demander qu’un responsable des RH participe aux jurys pour assister aux pitchs, organiser des points réguliers pour assurer du soutien aux intrapreneurs, etc. Par exemple, le rôle des professionnels des ressources humaines de la FDJ a été indispensable pour assurer la réussite de sa démarche de certification des compétences développées par les intrapreneurs au fil de leurs parcours. Depuis cette année, un référent RH a d’ailleurs été dédié au suivi des intrapreneurs (et de leurs managers).
- Penser “long-terme” : même quand les RH sont impliqués et observent des bénéfices immédiats, il existe un enjeu de sécurisation pour s’assurer que les bienfaits auront un impact sur plus qu’une promotion ou une mobilité horizontale des intrapreneurs. Organisez des sessions de partage d’expérience, faites témoigner les intrapreneurs des promotions précédentes, ouvrez une communauté de partage pour éviter le sentiment de solitude quand on monte un projet et suscitez l’émulation, etc. Par exemple, le dispositif « We love Intrapreneurs » de Safran favorise de nouvelles façons de travailler, mieux adaptées à un contexte en mutation, et en lien avec le travail de demain, la Direction des Ressources Humaines a été intéressée pour aller plus loin : Plusieurs modules ont été extraits du programme d’intrapreneuriat et insérés au sein d’un nouveau dispositif nommé « HR Embark », un programme opéré par la Direction des Ressources Humaines et à destination des talents RH, pour les aider à endosser un rôle de transformateurs.
Bref, les RH, nous avons besoin de vous pour que ces programmes rayonnent plus et mieux, et la bonne nouvelle c’est que vous avez également tout à y gagner ! N’hésitez pas à nous écrire pour échanger plus longuement !
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Par Sylvie Gomes, Cofondatrice et directrice executive de l’institut de l’intrapreneuriat, emlyon business school et Louna Thomas, Responsable des programmes de collaboration et d'intrapreneuriat chez makesense