Les petites cantines, est un réseau non lucratif de cantines de quartiers. Les habitants et salariés se rencontrent autour de menus participatifs, où tout le monde met la main à la pâte pour cuisiner. Les prix sont libres et les repas sont conçus avec des produits issus de l’agriculture responsable et locale.
Tester et répliquer
Dans son livre Comme à la maison, Diane raconte comment elle a découvert l’incroyable pouvoir de la cuisine et du repas partagé. D’abord, en prenant un goûter avec sa voisine isolée. Celle-ci ne le cache pas, le combo thé et madeleines est la meilleure recette pour briser la solitude. Puis, en vivant ce réconfort elle-même, lorsqu’après le décès de son mari, ses proches lui apportaient des plats cuisinés maison pour passer un peu de temps avec elle. Restaurer l’estomac et restaurer l’âme, même combat ?
Avec son associé Etienne, Diane décide d’en faire le cœur d’un son projet entrepreneurial à Lyon : les Petites Cantines. Un lieu où chacun·e cuisine, met la main à la pâte et partage un repas en discutant avec un.e voisin.e, un.e inconnu.e. ou un.e ami.e. Le prix est libre, à la discrétion des convives, ce qui permet de rendre l’expérience accessible au plus grand nombre. Parce que l’alimentation est au cœur de la transition sociale, mais aussi environnementale, les menus favorisent les principes de l’alimentation durable : local, circuit-court, invendus, cultures bio.
Ça prend, ça grandit. Mais au lieu d’agrandir le projet et de passer à l’échelle de manière traditionnelle, Les Petites Cantines font le choix de se répliquer sur un modèle de franchise sociale, basé sur la coopération, l’entraide et la confiance.
Comment on fait ?
Plutôt que de chercher à ouvrir des branches ou des antennes sur une forme centralisée, le modèle de franchise sociale permet de dupliquer de petites entités locales, plus ou moins autonomes, adaptées et calibrées aux besoins de leur territoire. Le modèle est différent de la franchise traditionnelle, qui, en échange de l’usage d’une marque établie, demande une rétribution financière et vise à maximiser les profits de l’entreprise.
Ces cantines se développent sur le format d’associations indépendantes rassemblées au sein d’un réseau. Les structures s’organisent comme une fédération d’associations qui forme une communauté apprenante. Condition non-négociable pour la rejoindre : utiliser la marque en respectant les valeurs et la charte ADN des Petite Cantines.
Sortir d’une logique de croissance traditionnelle
“Ce mode d’organisation est une force, car même si la fédération nationale tombe, il y aura toujours les petites cantines sur les territoires,” explique Heloïse de Bokay, responsable communautés du réseau des Petites Cantines. “Pendant des années, on s’est mis la pression pour ouvrir 50 petites cantines avant 2025. Ça nous a mis dans une logique de croissance, pas toujours bien vécue en interne. Alors; on est revenu à notre raison d’être. On veut participer à la construction d'une société fondée sur la confiance et on peut le faire en dehors du modèle formel des petites cantines. On accompagne des projets qui ne deviendront pas des Petites Cantines; mais qui contribuent à nourrir notre objectif de création de liens.”
La marque est partagée et des liens juridiques relient les associations locales et le réseau national. Il y a tout de même quelques règles pour monter une franchise dans son territoire. Les porteur·ses de projet doivent être au moins deux à implanter une Petite Cantine. Tant que la complémentarité de l’équipe, le dynamisme et le respect des valeurs et de la raison d’être sont au rendez-vous, le projet est validé et il ne reste qu’à trouver un local (mission pas toujours simple) pour se lancer. Pour l’instant, les Petites Cantines sont actives en milieu urbain, dans des territoires de 20 000 habitants minimum. Ce modèle de franchise sociale pourrait être amené à évoluer si une implémentation rurale est envisagée. Une paperasse juridique qui en vaut la chandelle et le dîner qui va avec.
Quels financements pour se restaurer long terme ?
À l’ouverture de chaque Petite Cantine, le fonctionnement se fait par l’autofinancement : 95% des charges doivent être couvertes par le financement des repas via des prestations et la location des locaux lorsqu’ils sont inoccupés. Puis, libre aux associations indépendantes de faire appel à des mécènes privés ou des subventions publiques (plus rare).
En moyenne, une cantine compte entre 1000 et 2 000 adhérent·es et propose entre 5 et 8 services par semaine. Les porteur·ses de projet peuvent également recruter des salarié·es pour tenir la permanence du lieu.
Les Petites Cantines font aussi partie du mouvement Restaure, qui agit pour davantage d’inclusion, de diversité et d’alimentation durable au sein de la restauration collective, aux côtés de structures comme Yes we camp, Refugee Food ou Bondir.
Les conseils des Petites Cantines à l’entrepreneur·se en devenir :
- Prendre le soin des relations avec les associé·es, d’abord en instaurant un cadre balisé pour bien communiquer avant de prendre des décisions. Pour installer ce cadre de confiance, chaque réunion stratégique comprend un temps de météo (dans quel état d’esprit, on arrive) et un temps de vérité (les émotions ou affects professionnels de la semaine).
- Faire confiance à l'autre. Si on n’est pas d’accord, on se le dit, mais on évite les marches-arrière systématiques par manque de confiance. Ça nous fait gagner du temps.
- Partager les bonnes nouvelles venant du terrain. On s’envoie les petites victoires pour donner de l’énergie aux équipes, sur ce qu’il se passe dans les autres franchises etc.
Pour aller plus loin
- Olivier Hamant, qui s'appuie sur ses observations de chercheur en biologie pour nous aider à nous désintoxiquer du culte de la performance et introduire dans nos organisations le regard d'un passionné du vivant. Rendez-vous sur www.larobustesse.org
- Alexandre Fayeulle, qui transforme notre regard sur la vulnérabilité. Le Président d'Advens, leader dans la cybersécurité, nous aide à la voir non plus comme un frein, mais comme une limite fondatrice et créatrice.
- L’initative “Faut qu’on parle”, qui invite des centaines de milliers de Français·ses de convictions opposées à se rencontrer et se parler, ou le mouvement Milliard, une communauté de 2000 citoyen.nes se mobilise pour cartographier les besoins de financement sur tous les territoires.
- Comme à la maison - Acted sud
- Les petites cantines, une franchise sociale qui essaime
- Cartographier ses parties prenantes